J'ai écrit ce blog pour lier la boucle du parcours de ma vie, de la naissance à la soixantaine. J'ai vécu au sein d'une famille dysfonctionnelle, ce qui a laissé des traces indélébiles. Toutefois, malgré les cicatrices et les souvenirs, j'ai survécu pour enfin un beau jour relever la tête et vivre librement en étant capable de faire mes propres choix, en me foutant des jugements. Plusieurs enfants ont connu ou connaissent des cheminements semblables. Si vous arrivez un jour, sur ce blog, sachez qu'il y a de l'espoir et qu'il faut demander de l'aide. Tout comme les victimes ayant subi l'inceste doivent sortir de l'ombre pour emprunter le chemin de la guérison, je me permets de dénoncer mes bourreaux qui m'ont violentée tant physiquement que psychologiquement. Demeurer au sein d'une famille toxique n'est jamais le bon choix. C'est difficile de rompre d'avec sa famille, mais ne pas le faire comporte des risques pour sa santé mentale. Après la rupture, ces gens deviennent de parfaits étrangers, un mauvais rêve dont on s'est réveillé.

Je suis née le 24 février 1948, à St-Romuald, petite paroisse du comté de Lévis.
Mon père travaillait comme machiniste à la Davie Shipbuilding, ma mère était à la maison. Je suis la deuxième enfant d’une famille de cinq. J'étais considérée comme le « mouton noir », rôle que m’avait attribué ma mère. D’après elle, je ne faisais rien de bon, je n'étais pas aimable, je sentais que j’étais un poids. Alors que l’aînée était parfaite, docile, travaillante, j’étais, selon sa perception, tout l’inverse. Ma soeur n'a jamais tenté de me protéger de la violence maternelle; au contraire elle profitait de la position dans laquelle je me trouvais.
Ma mère était en froid avec l'un de ses frères. On n'a donc pratiquement pas connu cet oncle et sa famille. Elle avait également souvent des mésententes avec certaines de ses soeurs. Elle ne s'entendait pas avec des voisins, surtout ceux qui vivaient près de notre première maison. Celle-ci a brûlée lors d'un incendie alors que j'avais 7 ans. Les voisins près de notre deuxième maison, avaient été mis au courant du caractère de ma mère, donc ils se montraient courtois mais réservés. Quant à sa belle-famille, c'était très compliqué également. Elle les critiquait, les jugeait, les méprisait. Nous n'avions pas de fréquents contacts avec eux évidemment.
La religion était très présente chez-nous. La messe, les vêpres, le mois de Marie, etc. étaient de rigueur. Comme j'étais une enfant très culpabilisée, ça été un enfer d'avoir à composer avec tout ce qui touchait Dieu. Je n'étais pas confortable à l'église qui me semblait austère, étouffante; j'avais peur de la confession. Mon éducation auprès des religieuses, sévères et idéalistes, n'arrangera pas les choses. Je détestais l'école.
Ma mère avait une préférence marquée pour l’aînée et la cadette. Elles auront droit couramment à des faveurs et bénéficieront d’un certain pouvoir. Mes deux frères, quant à eux, étaient dans une espèce de neutralité : ni maltraités, ni vraiment aimés.
J’ai été élevée dans l’injustice, le manque de respect, l’humiliation, le dénigrement. Des fessées j’en ai reçues de ma mère, parfois avec des croûtes de bois de chauffage, un cintre ou à main nue. Ces fessées étaient accompagnées de mots durs, rabaissants. Et bien souvent pour des riens, des peccadilles, des divergences. Elle me menaçait souvent de m'envoyer à ''l'école de réforme", ce qui m'engoissait. De la hargne j’en ai vécue de sa part; elle passait ses déceptions et ses frustrations sur moi. Je la revois toujours le visage furieux. Elle m'avait affublée d'un affreux surnom: corbeau noir. Cela me peinait, m'humiliait. Je ne me souviens pas de l’avoir vue heureuse, aimante, empathique. Non plus je n'ai pas de souvenir qu'elle m'ait prise dans ses bras, m'embrassée. J'en avais très peur. Je redoutais toujours que son courroux s'abatte sur moi. Très jeune j'ai développé un état d'hypervigilance, signe que mes besoins primaires n'ont pas été adéquats. J'ai, semble-t-il, été le bébé qui pleurait le plus de ses cinq enfants. J'ai eu des problèmes d'eczéma, d'indigestion de certains aliments, maux de tête, migraines qui peuvent être des signes d'un malaise d'adaptation.
Adolescente, lorsque je coiffais ma mère ou mes soeurs ou que je leur rendais service, j'étais utile, temporairement acceptée. Je devais me surpasser pour obtenir un semblant de reconnaissance. Faire du ménage les fins de semaines ou les jours de congés au lieu de m'amuser ou sortir avec des amies. Alors que les filles de mon âge n'étaient pas assujetties aux mêmes règles immuables, je me rendais bien compte que l'herbe était plus verte au-delà de mon champ de vision. Aux environs de 16 ans, elle avait tenté sommairement de m'expliquer comment se faisait les bébés. J'étais si peu confiante, que j'avais vérifié avec quelques amies de l'école.
Mon père ne m'a jamais frappée. Je sentais qu'il avait peut-être une petite préférence pour moi, mais il nous traitait tous également. Il m'appelait presque toujours Cocole. Je ne suis pas certaine qu'il savait ce qui se passait à la maison lorsqu'il était au au travail. De toute façon, il était trop faible pour confronter ma mère. Il aura bien d’autres occasions pour le faire : faillites, achats de voiture, etc. Il était quelqu'un d'impulsif et voulait se partir en affaires comme pour se sentir compétent, important. Il n'avait pas la bosse des affaires et toutes ses tentatives avortaient avec des conséquences financières désastreuses. Le couple vivait des crises récurrentes et parfois violentes. On ne savait jamais quand la tempête allait s'abattre, mais elle n'était jamais loin. Il ne semblait pas y avoir d'amour entre eux. Le climat n'était pas serein, je percevais les mauvaises ondes qui régnaient à la maison. Ma soeur aînée m'a déjà confiée que dès son jeune âge, ça n'allait déjà pas bien entre mes parents.
J’ai été une petite fille craintive, blessée, anxieuse, ayant perdu toute estime de soi, ignorante de ses possibilités et de ses forces. Il y avait une rébellion qui m'habitait et qui me culpabilisait, mais elle ne devait pas transparaître. La colère et le refoulement allaient en augmentant au fil des années. Je les enfouissaient au plus profond de mon être. De l’enfance à la ménopause, je vivrai avec des migraines fréquentes et intenses. Elles disparaîtront dans la quarantaine, au début de ma ménopause. D’une certaine façon, ma mère m’a habitée jusqu’à cet âge-là, moment où j'ai divorcé et que je suis partie m'installer à Québec. Elle était l’oeil de Dieu qui me surveillait et me critiquait au moindre geste. Je ne connaissais pas la possibilité de faire mes choix, d’être approuvée. La petite voix qui est intrinsèque en chacun de nous était étouffée, silencieuse depuis fort longtemps. La voix de ma mère avait pris sa place.
Petite, on m'a raconté que ma grand-mère maternelle venait me chercher parfois pour passer du temps avec elle. C'était une personne douce, fragile. Elle devait se rendre compte que je me faisais brasser à la maison. Malheureusement, elle est décédée alors que je n'avais que 5 ans. Je ne me souviens pas vraiment de ces moments-là, ils sont flous. J’ai un vague souvenir de l'exposition de son corps dans son salon, mais je ne pense pas que j’aie été vraiment consciente de son départ. Elle aurait pu être une figure marquante dans ma vie, une oreille attentive, un regard aimant, mais elle n'a pas vécu assez longtemps.
J'ai très peu de souvenir de ma petite enfance. Parfois, je me demande si j'en ai seulement eu une. Même au-delà de cinq ans, je ne me souviens pas de beaucoup de choses. On dirait que je suis apparue sur terre subitement à la puberté. Il m'arrive de vouloir savoir ce qui s'est passé les premières années de ma vie, mais mes souvenirs sont profondément enfouis; c'était probablement un moyen de survie.
En 1967, ma mère, deux tantes, ma soeur aînée et moi sommes allées visiter l’Expo universel de Montréal. Ma sœur m’avouera au retour du voyage, qu'au moment où nous attendions le train pour partir de l’Île Ste-Hélène, l’idée lui est passée par la tête de me pousser sur les rails du métro. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi elle avait eu une telle pensée, mais avec le recul je crois qu’elle devait ressentir de la jalousie à mon égard. D'autres situations se produiront au fil des ans qui me confirmeront cette jalousie. Lorsqu’elle a commencé à travailler, elle s’est aperçue qu’en payant sa pension à la semaine, alors que je le faisais aux quinze jours, elle était perdante de quelques dollars. Ma pension a donc été ajustée en conséquence. Les détails étaient très importants quand j'étais concernée. Pourtant, elle n’avait rien à m'envier vu son rôle privilégié dans la famille.
À dix-huit ans, j’ai connu un merveilleux jeune homme qui est devenu mon petit ami. On avait fait un échange amoureux : je portais sa montre et il avait ma bague de graduation à son petit doigt. On allait faire du patin, prendre des marches, manger des frites au resto du coin, danser, sorties avec sa famille. On regardait la télé assis l'un près de l'autre, ma main dans la sienne. La chaleur de son corps était rassurante, apaisante. Je n'avais pas le souvenir d'avoir connu de contact physique aussi plaisant. Ma mère nous surveillait, elle devenait exaspérée. Elle me disait parfois "décollez-vous". C'était pourtant une relation saine, un amour pur et platonique. On n’a jamais fait l'amour ensemble, et ça aujourd'hui, je le regrette. Si j'étais devenue enceinte, les choses auraient peut-être été différentes. Il me respectait et il m’estimait beaucoup. Il était fier de sa "blonde" et c'était réciproque. Je ne pense pas qu'il ait réalisé dans quel guêpier je vivais. Nous étions experts chez-nous pour la dissimulation, les faux- semblants, les apparences. Lorsque je me retrouvais dans sa famille, c'était un tout autre monde. Je m'y sentais en confiance, acceptée, entourée, respectée. J'admirais son père qui était un homme doux, calme et chaleureux. Personne ne nous surveillait lorsqu'on était seuls; il régnait un climat de confiance dans cette famille-là. Les dimanches soirs, ils allaient tous jouer aux quilles et je les accompagnais. On avait du plaisir. Ils formaient une famille soudée où je me sentais comme dans un cocon. Je voyais bien l'énorme différence entre nos deux réalités. J'ai été heureuse pendant les 18 mois qu'a duré notre relation. Ça été même les plus beau moments de ma triste vie. Je vivais une parenthèse, mais je connaîtrai l'enfer par la suite.
Un jour ma chère maman m'a dit que notre relation devenait trop sérieuse; d’après elle, Yves irait à l’université, y rencontrerait des filles plus instruites etil me laisserait tomber. Qu’est-ce qui lui donnait l’absolue conviction que ça se passerait ainsi? Et pourquoi des filles plus instruites auraient de l’emprise sur lui? J'étais une jeune fille intelligente, jolie, soignée, cultivée. J'ai fini par me laisser contaminer pas ses propos répétitifs et son manque de confiance en moi, et j’ai rompu avec lui. Dieu sait que j’ai souffert. J’ai vécu une angoisse poignante qui me submergeait jusqu'à presque m’évanouir. J’avais le cœur en lambeaux, une douleur intenable m'envahissait J'entrais sans le savoir dans un processus de deuil qui ne se terminerait jamais. Le monde semblait s’ouvrir sous mes pieds pour m’engloutir. Je ne pourrai jamais pardonner à ma mère de m'avoir fait si mal. Il n’est pourtant pas allé à l’université, mais plutôt au CEGEP. Il a travaillé dans la quincaillerie de son père déjà bien établie dans la communauté. Il a été la plus belle chose que la vie m’ait octroyé. Quand nous étions ensemble, j'oubliais le milieu où je vivais, le mal-être qui m'habitait, la famille qui me rendait si malheureuse, et je savais qu'il serait difficile de trouver un homme avec de telles qualités.
J’ai rencontré d’autres jeunes hommes par la suite, mais je ne pouvais pas retrouver ce que mon beau brun aux yeux verts m’avait apporté. J’avais connu le grand amour et on ne le rencontre qu’une seule fois au cours de sa vie.
Alors que je travaillais comme secrétaire dans une commission scolaire, j'ai rencontré un garçon sur mon lieu de travail. J'avais 21 ans. On s'est fréquenté pendant une année. C'était quelqu'un d'ordinaire, travaillant, très économe, qui pouvait se montrer contrôlant. Est venu le moment où il a commencé à parler d'avenir. On devait se fiancer aux Fêtes et je reportais le moment où il devait m'acheter une bague. J'était angoissée. J'ai commencé une dépression qui m'a amenée à devoir prendre un congé de maladie. J'étais sous librium, anxiolitique découvert vers 1957. On était en 1968 et il n'y avait pas beaucoup de médicaments adéquats pour la dépression en ces temps-là. J'étais somnolente le jour et je ne pouvais presque pas dormir la nuit. Au moment de me coucher, les murs de ma chambre semblaient se rapprocher puis s'éloigner. Je sentais mon coeur débattre et l'angoisse ne disparaissait pas. Je ne croyais pas que ma vie s'améliorait et que la souffrance allait disparaître. Je n'avais plus d'espoir. Un samedi de février, n'en pouvant plus, j'ai pris l'entièreté de mes médicaments et je me suis couchée. Je suis descendue pour téléphoner à ma coiffeuse pour annuler mon rendez-vous, et je suis tombée au bas de l'escalier. Ma mère a vite compris ce qui se passait. Une ambulance a été appelée, et accompagnée de mes parents, nous sommes partis aux urgences. Je me souviens d'avoir entendue ma mère dire à mon père ''c'est de ta faute ce qui lui arrive''. J'ai perdu conscience pour me réveiller en soirée. On m'a dit que j'étais passée à deux doigts d'y rester. J'ai aboutie au département de psychiatrie, où j'y resterais quelques mois. J'avais des douleurs à l'estomac qui disparaîtront au fil du temps.
À 24 ans, je me suis achetée un vélo. Elle n’a pas du tout approuvé mon achat. J'ai eu droit à une confrontation, mais j'ai gardé le vélo. Je pense que la vraie raison était que s’il m’arrivait un grave accident, je serais à leur charge. L’argent était un sujet délicat chez-nous. Dès la première semaine de travail, on devait payer une pension. Ma soeur aînée a eu l'avantage d'apprendre à conduire, mais cela m'a été refusé bien sûr. Elle était l'aînée, ce qui lui conférait ce privilège. De plus, j'étais trop nerveuse, d'après ma mère, dès lors je ne pourrais pas devenir un ''bon chauffeur''. J'ai pourtant obtenu mon permis de conduire à 25 ans lorsque j'ai commencé à fréquenter celui qui deviendra mon conjoint. Je me suis toujours bien débrouillée au volant, et plus tard je voyagerai seule aux États-Unis à plusieurs reprises.
Finalement, je me suis mariée à 25 ans avec un type moyennement intelligent, moyennement sensible, moyennement intéressant, sans culture, avec lequel je n’avais aucune affinité. C'était le seul moyen de quitter ma famille. L’union durera 15 ans. Je n’ai pas connu de bonheur dans ce mariage. Je subissais cette vie parce que je pensais que je ne méritais pas mieux. Je n’avais pas eu la chance de construire une saine estime de moi, puisque je n'avais connu que la dévalorisation. Il y a eu des hauts et beaucoup de bas au cours de cette union. Je suis devenue mère à 27 ans, accidentellement, vu que la pilule et le stérilet étaient ‘’mal’’ en 1973, et bien sûr ma famille militait en ce sens. Je me ferai pourtant ligaturée les trompes l’année suivante sans demander l'avis de quiconque. Je ne voulais plus d’enfant. Pas dans ces conditions-là. Difficile d'être une mère adéquate lorsque l'on n'a pas eu de modèle fiable.
Ça été difficile pour moi d'être mère. C'était un rôle stressant. Je donnais de bons soins à ma fille. J'étais à l'écoute de ses besoins physiques et elle ne manquait de rien. Mais le lien d'attachement n'était pas au rendez-vous. Comme si je vivais la situation en spectatrice. Pourtant, je pouvais me montrer surprotectrice. J'avais peur qu'elle soit enlevée, blessée. Je ne supportais pas qu'elle soit bafouée par ses pairs, allant jusqu'à me rendre dans la cour de l'école pour mettre au pas une écolière qui la harcelait. J'ai par contre été trop sévère, exigeante, dure parfois. J'éprouve des regrets, de la culpabilité. J'aurais voulu faire autrement. Mon instinct maternel s'est développé dans la soixantaine alors que je suis devenue grand-maman.
Quelques années plus tard, j'avais peut-être 29 ans, alors que j’étais chez ma sœur aînée - on se voyait fréquemment vu que nos enfants jouaient ensemble - elle me dit que ma mère a su que mon ex-petit ami allait se marier. J’ai accusé le coup, mais j'ai reçu une décharge en plein coeur. Il en aimait une autre. Je l’avais perdu à jamais. Ma chère sœur n’a pas pu se retenir de cracher son venin, de me faire mal encore une fois, de tourner le fer dans la plaie. Peut-on se montrer plus cruel? Je ne vivais plus dans ma ville natale, donc je ne l'aurais pas su si elle n'avait pas vendu la mèche. Elle savait à quel point j’avais aimé ce garçon et à quel point cette rupture avait été souffrante. Ma soeur avait le don de toucher où ça fait mal, d'être insensible, de ne pas garder de secret, de gaffer.
Il y a environ deux ans, une tante m’avouera, alors que nous discutions au téléphone, qu'à mon mariage, des invités se demandaient pourquoi une belle et intéressante jeune fille pouvait se contenter d'un gars de tellement peu d'envergure. Il venait lui-aussi d’une famille dysfonctionnelle. Ma mère aurait dû m'empêcher de faire une telle erreur. Le moment aurait pourtant été opportun pour me dire de ne pas le faire. Elle se moquait de lui parfois à son insu. Elle étais contente que je débarrasse le plancher ou craignait peut-être que je demeure ‘’vieille fille’’. Elle savait, j’en suis sûre, que je n’étais pas amoureuse de lui. J'ai échangé mon malheur pour un autre. Il faut dire, qu'au cours des années 60-70, on quittait la maison seulement lorsque l'on se mariait.
Ma soeur aînée qui était infirmière, aurait dû, si elle avait été moindrement empathique et protectrice, m'empêcher de rompre avec mon petit ami 5 ans plus tôt. Elle aurait également dû me dissuader de marier un gars qui ne me convenait pas. Elle intervenait seulement lorsque ce n'était pas utile, mais pas quand cela aurait été salutaire. Elle a elle-même marié un gars très ordinaire, menteur, voleur, hypocrite, cherchant constamment la confrontation. Elle avait rompu avec un précédent amoureux plus intéressant, aimable, ''funny'' qui lui avait menti au sujet d'une carte de crédit. Ma soeur n'était pas en accord qu'il utilise une telle carte, ce qui ne la regardait pas.
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Le dysfonctionnement familial se transmet aux autres générations. Ma soeur aînée a trois enfants. L’aîné a été banni de la maison à 17 ans. Il vivait des difficultés relationnelles avec ma sœur et son mari. Ils étaient très exigeants, n’étant jamais satisfaits de lui. Son père l’a frappé un soir et mon neveu a failli lui remettre la pareille. Il a été placé en famille d’accueil. Il a aujourd'hui de gros problèmes de santé, reins, circulation sanguine, phlébite, et vit misérablement en région. Pourtant, enfant, c’était un petit gars tranquille, sensible, obéissant et il ne démontrait pas de trouble de comportement. Ma soeur est devenue le prolongement de ma mère. Et sa fille aînée prendra le relais.
À ses deux filles, mes nièces, elle a transmis sa méchanceté, sa pauvreté de jugement, ses valeurs questionnables. Elles ont envers moi la même attitude dénigrante de leur mère. Elles influencent toutes ma propre fille en lui tenant des discours méprisants à mon endroit. Comme celle-ci est influençable et incapable de penser par elle-même, il en résulte que je ne fais plus partie de sa vie pour diverses raisons.
Ma fille a trois enfants de deux pères différents. Le premier est un paresseux chronique qui ne garde pas d'emploi et qui fait tout pour ne pas payer de pension alimentaire pour sa fille. L'autre, son conjoint actuel, père de ses deux autres enfants, est alcoolique, ex-toxicomane, a vendu de la drogue par le passé. Il a été arrêté à 2 reprises pour alcool au volant et il a failli faire de la prison. Il n'a pu conduire pendant plusieurs mois, après quoi il a pu recommencer avec un antidémarreur éthylométrique pendant 3 ans. Je pense que ma fille a un trouble de personnalité limite : instabilité, toxicomanie passée (mescaline entre 16 et 19 ans), fausses accusations dans l'intention de nuire à son premier conjoint au début de leur rupture, fausses accusations envers son père qui en avait la garde. Elle a porté également des accusations mensongères à mon endroit pour m'empêcher de voir mes petits-enfants ce qui a été le point de non retour. Je ne veux plus entendre parler d'elle. J’ai très peu connu mes petits-enfants que j’aimais beaucoup.
Les membres de ma famille se sont toujours pensés au-dessus de la mêlée. Eux seuls détiennent la vérité absolue : si on n’est pas d’accord avec leur façon de penser et de voir, c’est qu’on est déviant. Si on n'est pas avec eux, on est contre eux. La franchise, exprimer ses convictions ne sont pas bienvenus dans cette clique. Il faut se fondre au clan, ne faire qu'un. Tout ce qui provient de l'extérieur, est menaçant, inapproprié.
Je suis devenue assez forte au fil des ans pour être capable d'éviter leurs comportements orduriers. À 41 ans, lors de mon divorce, j’ai rompu définitivement d'avec ma famille toxique. J'ai déménagé de la Rive-Sud à Québec. Traverser le pont fut le début d'une autre vie loin des éléments qui m'ont perturbée. Aussi, il m’a fallu de nombreuses consultations en relation d’aide, et un dur travail en psychothérapie, dans la soixantaine, au cours de laquelle ma psychologue me confirmera les violences et les abus dont j'ai fait l'objet, pour arriver à comprendre mon hyper-émotivité, à accepter de n'avoir pas été aimée, me libérer de toutes mes souffrances et de ma culpabilité. J'ai pris conscience à quel point j'ai été maltraitée, reniée, manipulée. Je n'ai pas été abusée sexuellement, mais je l'ai été de toutes les autres façons. De même, j’ai appris à reconnaître toute la force qui était latente en moi, cette envie de vivre enfouie. Je ne compte plus que sur moi dorénavant. Je chéris la petite fille courageuse et résiliente que j'ai été.
En 2013, ma mère est décédée à l'âge de 91 ans. Je me suis sentie délivrée et je l'ai enterrée dans tous les sens du mot. Moins d'un an plus tard mon père l'a suivie. Je l'apprendrai par une tante. Ma mère avec la complicité de ma soeur aînée m'a déshéritée: ultime preuve que je n'étais rien pour elles. Ça n'a pas été une surprise, je m'y attendais. Ma fratrie, une fois de plus, a participé à cette traîtrise. Quand il y a de l'argent en jeu, les pires mesquineries font surface. J'ai enfin eu la certitude de l'animosité, de la non-acceptation de ma mère à mon endroit. Jamais elle n'a fait le moindre petit pas pour se racheter, montrer du regret, arranger les choses. Je n'ai pas eu de deuil à accomplir. Il était déjà fait depuis longtemps. Elle est morte comme elle a vécu: dans le déni et l'orgueil, accompagnée de ses fidèles complices.

Plusieurs mois se sont écoulés depuis que j'ai mis ce blog en ligne. J'ai suivi une psychothérapie de 2 ans pour atténuer la douleur des deuils qui encombraient ma vie depuis trop longtemps. J'ai constaté que le décès de ma mère m'a délivrée, m'a rendu ma propre vie et je peux dorénavant faire ce qui me plaît sans arrière-pensée. Ma mère avait tant d'emprise sur moi, qu'elle vivait quasiment à l'intérieur de moi. Cela n'est plus le cas à présent. Je suis libre, autonome.
Mon parcours a été laborieux, long, souffrant, mais je profite de chaque beaux moments de ma vie. Je voyage, ultime récompense que je peux me payer. Tant que j'aurai la santé, c'est l'un des buts de ma vie.
Nicole Ferland
Québec